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Quand la chimie des matériaux aide à la conservation des objets patrimoniaux

Recherche Article publié le 23 novembre 2019 , mis à jour le 23 novembre 2019

Lors du congrès IUPAC 2019 Paris, Kevin Dedecker, de l’Institut Lavoisier de Versailles (CNRS/UVSQ), a mis en avant ses travaux sur les MOFs (Metal Organic Frameworks) pour la protection des œuvres d’art.

Les musées, galeries, bibliothèques, bâtiments d’archives sont autant de gardiens privilégiés du patrimoine culturel des sociétés modernes. Soumis à l’épreuve du temps, les objets du patrimoine qui y sont conservés se dégradent sous l’effet de certains composés présents dans l’atmosphère. Les composés organiques volatils (COVs), comme l’acide acétique, contribuent particulièrement à la destruction rapide des biens culturels en présence d’humidité.

Pour pallier ce problème, il existe plusieurs solutions, qui sont déjà mises en place dans les collections. On peut, par exemple, ventiler l’endroit où se trouve le document à protéger, mais cette méthode n’est pas toujours facile à mettre en œuvre. Il est également possible d’isoler l’objet : cela consiste à stocker les œuvres dans une enceinte à l’atmosphère contrôlée. Une autre approche, moins répandue, consiste à adsorber les COVs dans des matériaux poreux tels que des charbons actifs ou des zéolithes (des formation cristallines composées d’oxygène, de silicium et d’aluminium). Cependant, ces adsorbants se montrent peu efficaces contre l’acide acétique, manquant soit de sélectivité en présence d’humidité (cas des zéolithes), soit d’affinité pour ce composé (cas des charbons actifs).

L’équipe de chercheurs* dans laquelle travaille Kevin Dedecker s’intéresse à une classe de matériaux hybrides poreux, les réseaux métallo-organiques (Metal Organic Framework, MOFs), qui résultent de l’assemblage d’ions métalliques reliés entre eux par des molécules organiques. Leur architecture « hybride » délimite une porosité contrôlée à l’échelle du nanomètre. Facilement modulable, cette porosité conduit à des solides comportant une grande surface interne et étant capables d’adsorber aisément des molécules (gaz, vapeurs). Kevin Dedecker a démontré qu’il est possible de synthétiser des MOFs hydrophobes adaptés à la capture de l’acide acétique. Leur capacité et leur sélectivité d’adsorption en présence d’humidité sont supérieures à celles des adsorbants commercialisés (charbons actifs ou zéolithes).

De premiers tests sont en cours : les chercheurs évaluent l’efficacité de ces MOFs une fois incorporés dans des boîtes destinées à conserver des objets du patrimoine ou répandus sur des surfaces. Un nouveau moyen de prévenir les altérations des objets patrimoniaux et d’augmenter considérablement l’espérance de vie de ces objets du passé.

* Nathalie Steunou et Eddy Dumas de l’équipe Molécules, interactions, matériaux de l’Institut Lavoisier de Versailles (CNRS/UVSQ) ; Christian Serre de l’Institut des matériaux poreux de Paris (ENS/ESPCI/PSL Université).

 

K. Dedecker, R. S. Pillai, F. Nouar, J. Pires, N. Steunou, E. Dumas, G. Maurin, C. Serre, M. L. Pinto. Metal-Organic Frameworks for Cultural Heritage Preservation: The Case of Acetic Acid Removal. ACS Applied Materials & interfaces, (2018), 10, 13886-13894.