Ovochain : créer un cyberespace de confiance pour tous et toutes

Innovation Article publié le 29 janvier 2025 , mis à jour le 29 janvier 2025

Fondée en 2022 par William Famy, Suzy Goi et Jérome Joussen, la start-up Ovochain s’appuie sur une technologie de jetons numériques et de blockchain. Elle vise à offrir un système décentralisé capable de vérifier et sécuriser les échanges, tout en préservant la vie privée des utilisateurs et utilisatrices.

L’histoire d’Ovochain commence un peu par hasard. En 2018, William Famy, ancien élève de l’école normale supérieure de Cachan (aujourd’hui ENS Paris-Saclay), est mandaté par deux amis employés dans un centre de cryptomonnaie pour y résoudre des problèmes de sécurité. « J’ai travaillé six mois sur ce projet. J’ai dessiné des concepts pour développer un premier système robuste et fiable qui mêlait mes centres d’intérêt : les automatismes industriels, l’informatique et le génie mécanique », explique William Famy. Le spécialiste décide ensuite de monter son entreprise basée sur ces premiers travaux. Il retrouve Jérome Joussen, qu’il a connu à l’Institut des études politiques d’Aix-en-Provence lors de leur formation en intelligence économique, dix ans plus tôt. Jérome est membre de l’équipe dirigeante de Traxens qui déploie la première plateforme de coordination logistique de conteneurs connectés.

En 2021, le duo intègre l’incubateur Belle de mai à Marseille, spécialisé dans la deeptech et la valorisation de la recherche publique, afin de lancer leur projet. Suzy Goi les rejoint et vient apporter ses qualités d’ingénieure informatique et de gestion de projet logiciel pour coder les premières briques du système. Les trois collègues créent Ovochain en juin 2022 avec déjà un démonstrateur de leur technologie à présenter. En septembre 2023, le trio lance une démonstration fonctionnelle de sa solution. La start-up est soutenue par le fonds Aix-Marseille-Provence Amorçage de la métropole d’Aix-Marseille-Provence et par Bpifrance, qui la valide en tant que start-up deeptech. Elle fait partie du programme de start-up OVH et de l’ENS Paris-Saclay. Un premier brevet a été déposé pour cette technologie que les cofondateurs et cofondatrice ont appelée DeDNA3.
 

Les données sécurisées

« Aujourd’hui, quand on fait un virement, c’est l’utilisateur ou l’utilisatrice qui déclenche l’action. Avec Ovochain, nous créons un jeton, un token, qui est l’ordre du virement envoyé dans le système. Un majordome digital, véritable organisateur et contrôleur général, vérifie ensuite que l’ordre est correct, que les bonnes valeurs, la bonne monnaie par exemple, ont été employées ou que c’est le bon destinataire. Lorsque tout est validé, le système débute l’action entre la banque et le fournisseur », explique William Famy. À la différence des systèmes actuels, les ordres ne sont pas lancés depuis l’ordinateur qui possède le compte en banque, mais depuis un système décentralisé qui n’a pas accès aux comptes des personnes. « Cela nous permet d’améliorer la sécurité et enlève 99 % des bugs humains », ajoute Jérome Joussen. C’est cette technologie de vérification et de décentralisation qu’est en train de développer la start-up.

Mais les trois associés ne comptent pas s’arrêter là. Les tokens sont des objets numériques de nouvelle génération susceptibles de porter de l’information, des données ou même des programmes, ainsi que demain des intelligences artificielles. Ils deviendront ainsi de véritables agents numériques autonomes capables d’interagir dans l’Internet du futur, hyperconnecté et ultra interactif, avec des applications pour les e-citoyennes et les e-citoyens et e-entreprises, afin d’effectuer diverses actions en toute confiance. Ces actions seront enregistrées dans un système blockchain qui assurera la traçabilité des transactions réalisées. Tous les évènements sont donc gardés en mémoire.

Cette technologie va rapidement devenir nécessaire avec le développement de l’intelligence artificielle et du métavers. « Demain, on pourra faire des transactions dans le métavers. Il faut donc créer un Internet hyper interactif, mais hyper sécurisé. Nous devons trouver une nouvelle manière de gérer les bases de données », développe William Famy. D’autant que les piratages de bases de données explosent, comme le rappellent récemment ceux de la sécurité sociale, de France Travail ou de Free qui viennent alimenter la nécessité de revoir la protection des informations personnelles, dont celle des entreprises.
 

Vers l’identité numérique

Chez Ovochain, l’identité civile (nom, prénom, nationalité, permis de conduire, RIB) et sociale (réseaux sociaux, abonnements, informations médicales…) est encryptée dans un jeton virtuel. Plus besoin alors de fournir son identité complète pour réserver une chambre d’hôtel ou une voiture : l’utilisateur ou l’utilisatrice n’a qu’à présenter son jeton. « Les données sont chiffrées et ne sont pas diffusées, seule l’autorisation de prélèvement sur le compte en banque est envoyée. Cela offre la possibilité de s’identifier sans partager ses informations personnelles. C’est ce sur quoi nous travaillons à Ovochain, pour sécuriser l’Internet de demain. Cela s’appelle le Zero Knowledge Proof et c’est le Graal de l’Internet du futur », ajoute Jérome Joussen. Ovochain s’affaire en ce moment sur l’identité numérique et cherche des partenaires économiques pour ce projet. Elle collabore déjà avec l’ENS Paris-Saclay.

« Le jeton est sécurisé dans son accès et appartient à l’utilisateur ou l’utilisatrice qui a une responsabilité sur la clé. Mais nous allons mettre en place des solutions si cette clé est perdue. Il faudra alors se tourner vers un huissier, une banque ou un notaire pour certifier que vous êtes bien la ou le propriétaire du jeton », précise William Famy. « Au-delà du chiffrement, l’avantage du système décentralisé proposé par Ovochain, c’est que nous ne savons pas où sont les données. L’anonymisation est la règle. Et si jamais les données sont trouvées, ce qui est très compliqué, nous ne pouvons pas les lire car elles sont chiffrées. Le monde tel qu’on se le représente est plus sécurisé et restitue à chacun ou chacune le pouvoir de diffuser ou non ses informations. Notre conception même du système est faite pour que la vie privée soit la mieux préservée possible. C’est une autre approche, qui va complètement à l’encontre des GAFAM qui vendent les données personnelles », développe Jérome Joussen.

Que dire de l’impact carbone de cette technologie ? La start-up assure qu’en simplifiant le relationnel informatique, cela fera baisser l’utilisation de ressources et donc la consommation d’énergie. « Nous souhaitons réduire de 60 % la facture d’électricité par rapport à des interactions sans notre technologie et ce, d’ici à 6 ans », ajoute William Famy. Le système proposé par Ovochain se base non pas sur des calculs bruts, mais sur la modification du jeton, ce qui allège le nombre de calculs. La solution de la start-up n’a pas besoin d’une grande quantité d’électricité pour mettre en relation et exécuter les jetons. Il est possible de la faire tourner sur des ordinateurs de vieille génération et même demain sur les téléphones portables.
 

Une première application dans l’immobilier

Ovochain développe actuellement sa première version applicative dans le domaine de l’immobilier. Grâce aux tokens, le marché ciblé aura la possibilité de créer des fonds de nouvelle génération. Ce fonds sera destiné au financement de la rénovation énergétique et à la remise à niveau du parc immobilier. « Notre technologie apporte la confiance nécessaire à ce genre de transaction. Toutes les parties prenantes seront en sûreté sur une plateforme informatique mutualisée. Notre système agrégera toutes les données des banques, des fournisseurs, des prestataires et des bénéficiaires, qui pourront ainsi communiquer, se donner des ordres ou faire des virements de façon simple et sécurisée », explique William Famy.

La start-up a achevé la première version du système destiné à l’immobilier et travaille à réunir les banques partenaires et de grands groupes qui souhaitent financer la transition énergétique et les rénovations. Elle va également signer des partenariats avec des professionnels de l’immobilier. Dans la foulée, Ovochain lancera sa première levée de fonds pour financer sa croissance et son développement, qui inclut une road map technologique dans laquelle les cofondateurs placent l’ENS Paris-Saclay comme partenaire stratégique au regard de l’excellence académique des laboratoires de l’Université Paris-Saclay.