
Nos belles histoires n°2 : des alumni astrobiologistes et explorateurs de mondes (extra)terrestres
Cet article est issu de L'Édition n°25.
Début octobre, une nouvelle conférence d’alumni de l’Université Paris-Saclay, Nos belles histoires, a donné la parole à Caroline Freissinet et Cyprien Verseux. Les deux astrobiologistes ont partagé avec le public leurs expériences fascinantes autour de l’exploration de territoires extrêmes, sur Terre, Mars ou ailleurs dans l’espace, à la recherche de traces de vie.
Ce mardi 8 octobre 2024 au soir, en front de scène du théâtre Rousseau de CentraleSupélec, à Gif-sur-Yvette, deux conférenciers se renvoient la balle, évoquant tour à tour leurs parcours et leurs recherches, devant un parterre d’étudiantes, d’étudiants et de curieux rapidement captivés par leur fascinant récit. Caroline Freissinet et Cyprien Verseux sont astro- ou exobiologistes. Ils s’intéressent aux processus susceptibles de mener à l’émergence de la vie ailleurs que sur Terre et aux éléments possiblement évocateurs de vie extraterrestre, passée ou présente. Les deux orateurs embarquent l’auditoire dans leur exploration de territoires extrêmes, sur Terre, sa proche voisine Mars, ou à plusieurs centaines de millions voire plus d’un milliard de kilomètres de là, sur les lunes glacées de Jupiter et de Saturne. Leur intervention s’inscrit dans le cadre du cycle de conférences d’alumni de l’Université Paris-Saclay, Nos belles histoires, lancé en décembre 2023 et qui invite le public à rencontrer des personnalités aux parcours particulièrement inspirants.
Comment devient-on exobiologiste ?
Caroline et Cyprien s’accordent tous deux pour dire que leur carrière n’a jusque-là suivi aucun plan : c’est au gré des opportunités, qu’ils ont su saisir ou se créer, qu’ils exercent aujourd’hui leur métier. « Il n’y a pas réellement de formation-type pour devenir exobiologiste », confie Cyprien. « Ce sont des chercheurs et des chercheuses qui viennent d’autres disciplines. » Alors qu’enfant, il se voit plus tard « chercheur de vie sur d’autres planètes » et qu’on lui répond que « ce n’est pas un vrai métier », Cyprien entreprend des études de biologie à l’école d’ingénieurs en biotechnologies Sup’Biotech et suit, en parallèle, un master 2 Systems & Synthetic Biology à l’Université d’Évry.
Se rendant compte que son inclination originelle existe réellement, il décroche, à force d’opiniâtreté, un stage de fin d’études à la NASA, en Californie, durant lequel il travaille sur un projet de biologie synthétique appliquée à l’exploration spatiale. Une fois diplômé, il entame un doctorat en biologie moléculaire et cellulaire à l’Université de Rome Tor Vergata, en cotutelle avec la NASA, et le dédie à la recherche de la vie sur Mars ainsi qu’au développement de systèmes de survie biologiques pour l’exploration de cette planète.
Préparer les futures missions humaines martiennes
C’est au cours de sa thèse que Cyprien va vivre ses expériences les plus singulières. En 2015, il est sélectionné pour faire partie, avec cinq autres scientifiques, de la mission HI-SEAS IV (Hawaii Space Exploration Analog and Simulation) de la NASA, soit 366 jours à l’isolement dans un dôme hawaïen afin de simuler les conditions d'une mission spatiale sur Mars.
En 2018, il part un an en Antarctique pour une autre expérience unique en son genre : il est le chef de la base scientifique franco-italienne Concordia, la plus isolée sur Terre et située dans un environnement parmi les plus hostiles. « Les températures peuvent atteindre les -80°C. Et début mai, le soleil se couche pour la dernière fois et on ne le reverra plus pendant trois mois. » Une expérience qu’il vit avec douze autres équipiers et pendant laquelle il soutient sa thèse, à distance.
Revenu de son expérience polaire, Cyprien crée, en 2019, le Laboratoire de microbiologie spatiale appliquée au ZARM (Center of Applied Space Technology and Microgravity) à l’université de Brême, en Allemagne, où il est toujours aujourd’hui. Avec son équipe, il s’intéresse aux cyanobactéries, des micro-organismes capables de réaliser la photosynthèse, et consacre ses recherches au développement de systèmes biologiques capables de produire une partie des consommables nécessaires à une équipe d’astronautes lors d’un séjour de longue durée sur Mars, à partir de ce qu’elle trouvera sur place dans le sol et l’atmosphère.
Exploration martienne, analogues martiens sur Terre et mondes océans
Le parcours de Caroline est tout aussi inédit. Alors qu’adolescente, elle adore regarder la série X-Files, où les agents spéciaux du FBI Mulder et Scully enquêtent sur des phénomènes paranormaux impliquant des extraterrestres, la série éveille son intérêt pour la vie extraterrestre. « C’était aussi la première fois qu’on voyait à la télé une femme scientifique comme héroïne. Ça a eu pour effet d’inciter de nombreuses femmes à se lancer dans des carrières scientifiques, ce qui est mon cas ! »
Caroline entreprend des études de biologie et s’intéresse de plus en plus à l’émergence de la vie sur Terre, dans des conditions extrêmes, et ailleurs dans le système solaire. Diplômée d’un magistère de biochimie et biologie moléculaire de l’ENS Lyon puis d’un master 2 en biologie de l’évolution de l’université Paris-Sud (aujourd’hui Université Paris-Saclay), et après « un break d’un an pour étudier les moutons en Nouvelle-Zélande », elle démarre un doctorat en chimie analytique appliquée au spatial à l’École centrale Paris (aujourd’hui CentraleSupélec). Elle le consacre à l’élaboration de méthodes chimiques analytiques dans le cadre de la mission ExoMars, dont l’objectif est d’étudier l’atmosphère martienne et de rechercher des indices de vie passée ou présente à l’aide d’un rover et de ses instruments.
Sa thèse en poche, Caroline effectue pendant six ans un post-doctorat en astrochimie et sciences planétaires au centre NASA Goddard Space Flight Center de Greenbelt, aux États-Unis. À son retour, en 2017, elle est recrutée au CNRS et rejoint le Laboratoire atmosphères et observations spatiales (LATMOS – Univ. Paris-Saclay/UVSQ/CNRS/Sorbonne Univ.). Son travail, elle l’effectue « les pieds sur Terre », depuis son laboratoire ou sur le terrain, par le biais d’études de chimie analytique réalisées sur des échantillons issus d’environnements terrestres extrêmes, analogues aux sites extraterrestres. Mais aussi « la tête dans les étoiles », par l’analyse des données récoltées sur place par les sondes spatiales et leurs instruments embarqués. Elle participe également à la construction de certains de ces instruments, comme la mission Dragonfly qui partira vers Titan, la lune glacée de Saturne, en 2028.
- Visionner en ligne la conférence Nos belles histoires n°2 avec Caroline Freissinet et Cyprien Verseux : https://youtu.be/5KjxrKwScU0
- Visionner en ligne la conférence Nos belles histoires n°1 avec Bertrand Serlet et Michel Safars : https://youtu.be/yyE7UQIyK6M
Assistez à la prochaine conférence Nos belles histoires
Le cycle de conférences Nos belles histoires continue en 2025 avec de nouveaux binômes tout aussi inspirants. La prochaine conférence, Nos belles histoires n°3, aura lieu le 2 avril 2025 et accueillera la championne de para-escalade et chercheuse en chimie, Lucie Jarrige, et l’ancien joueur international de rugby et consultant sportif, Thomas Lombard. Outre leur passion pour le sport, ces deux athlètes de haut niveau ont en commun d’avoir su cultiver leur formation professionnelle autre que sportive.
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