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Laurence Albiges : changer la donne en cancérologie génito-urinaire

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 04 juillet 2024 , mis à jour le 04 juillet 2024

Laurence Albiges est oncologue médicale, professeure à l’Université Paris-Saclay et cheffe du département de médecine oncologique de Gustave Roussy. Spécialiste en cancérologie génito-urinaire, elle s’intéresse notamment aux nouvelles thérapies pour le cancer du rein métastatique et aux formes rares de carcinomes rénaux, et travaille au développement de programmes de recherche translationnelle. En 2023, elle a été distinguée en tant que Highly Cited Researcher.

C’est parce qu’elle est attirée par les sciences du vivant et l’idée de faire de la recherche que Laurence Albiges décide, après l’obtention de son baccalauréat, de se lancer dans des études de médecine à l’Université Paris 5 (aujourd’hui Université Paris Cité). Une motivation assez générale qui, au fil des années et des expériences, se précise. « Dès mes premiers stages, je me suis découvert une appétence très forte pour la prise en charge thérapeutique des patientes et patients. Cette intuition s’est confirmée lors de mes premiers pas en oncologie : outre mon intérêt scientifique pour la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans le cadre d’une maladie aussi complexe que le cancer, j’ai tout de suite su que ce qui me plaisait était de me sentir utile auprès de patientes et patients atteints de maladies très graves », explique-t-elle.
 

Un leitmotiv : être utile aux patients

Un an : telle est, en 2005 et lorsque Laurence Albiges débute son internat, l’espérance de vie moyenne des personnes atteintes d’un cancer du rein, faute de traitement véritablement efficace. « Nous étions là face à un modèle de maladie extrêmement agressive et rapidement évolutive, où tout était encore à faire, tant sur le plan de l’amélioration de la prise en charge des patientes et patients que sur celui du développement de nouvelles classes de traitements. C’est certainement ce qui m’a motivée à me spécialiser dans ce domaine : moi qui voulais me sentir utile, j’ai décidé de consacrer toute mon énergie à essayer de changer la donne pour des personnes ayant un pronostic très sombre », explique la chercheuse.
 

Vers la recherche de transfert

En 2004, elle fait ses premiers pas d’interne au sein de l’Institut Gustave Roussy où elle retrouve ces dimensions - humaine et recherche - très fortes qui ont guidé son parcours. En 2007, elle rencontre le Dr Bernard Escudier, le pionnier du traitement du cancer du rein. Cette rencontre marque un tournant dans le parcours de Laurence Albiges et l’orientation de ses travaux de recherche, sur cette maladie spécifiquement. Auprès du Dr Escudier, elle développe ses premières publications scientifiques, notamment pour mieux comprendre les formes exceptionnelles de rémission complète dans le cancer du rein métastatique. « J’ai également consacré une année à un master 2 de cancérologie qui m’a permis de confirmer vouloir mener une activité clinique en lien étroit avec la recherche de transfert. J’ai, en effet, été très vite convaincue que toutes mes idées de recherche partiraient de l’observation clinique des patientes et patients. » En 2010, elle débute une thèse de sciences sur la compréhension des voies biologiques impliquées dans une forme rare de cancer du rein, suivie d’un séjour postdoctoral au Dana-Farber Cancer Institute / Harvard Medical de Boston (États-Unis), avant de rejoindre, en 2015, Gustave Roussy en tant que praticienne spécialiste.
 

Du développement de l’immunothérapie aux stratégies d’association

Alors qu’une première classe de traitements, les anti-angiogéniques – contribuant à bloquer la vascularisation et donc la croissance tumorale –, développés à partir de 2005, permet d’améliorer l’espérance de vie des personnes atteintes d’un cancer du rein, Laurence Albiges accompagne de son côté le développement de la deuxième classe de traitement : l’immunothérapie. « En 2016, nous avons porté le premier essai académique à large échelle donnant l’accès à l’immunothérapie à 720 patientes et patients atteints de cancer du rein métastatique, en France, et travaillé à l’analyse des mécanismes de sensibilité et de résistance à ce nouveau type de traitement », précise Laurence Albiges.

Ce premier pas franchi, Laurence Albiges et son équipe contribuent par la suite à l’élaboration de stratégies d’association consistant à combiner différentes classes thérapeutiques pour en optimiser les effets. « Grâce aux essais cliniques que nous avons menés pour démontrer l’intérêt des stratégies d’association et changer les standards, nous disposons désormais de deux stratégies combinant deux traitements : l’une associant un anti-angiogénique et une immunothérapie, la seconde associant deux immunothérapies », ajoute Laurence Albiges. Des avancées qui, une nouvelle fois, font doubler l’espérance de vie des patientes et patients.
 

CARE1 : un projet européen de la Mission Cancer

Fort de ces nouveaux standards évoluant rapidement, Laurence Albiges coordonne depuis le 1er mai 2023, pour Gustave Roussy, le projet européen CARE1, financé par le programme Horizon Europe qui est le principal programme de financement de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation. « Il s’agit d’un projet sur huit ans, qui concernera 1 200 patientes et patients dans huit pays européens et dont l’objectif est d’identifier la meilleure stratégie thérapeutique pour une personne donnée, afin d’améliorer les résultats des traitements de première ligne des personnes atteintes de cancer du rein métastatique », précise Laurence Albiges. Un projet ambitieux qui ne l’empêche pas de s’impliquer dans les nombreuses autres pistes de recherche portées par Gustave Roussy. « Nous contribuons notamment au développement des nouvelles classes thérapeutiques via des essais cliniques innovants et travaillons également à l’identification des différentes formes de cancer du rein, notamment celles plus rares, pour développer des stratégies de médicaments spécifiques reposant sur la biologie », ajoute-t-elle.
 

La passion de transmettre…

C’est pendant son clinicat, alors qu’elle est cheffe de clinique à l’hôpital Henri Mondor puis à Gustave Roussy, que Laurence Albiges découvre la joie de transmettre ses connaissances scientifiques en s’impliquant dans des projets pédagogiques à l’Université paris-Saclay, auprès des internes, au lit des malades. Dans son parcours très riche, la transmission occupe depuis toujours une place importante. « J’ai toujours eu à cœur de créer des vocations de médecins et si possible de cancérologues, en prenant soin de transmettre cette dimension humaine si riche dans notre métier. » Impliquée pendant des années dans les conférences de préparation à l’examen de l’internat et plus récemment dans de nouvelles modalités pédagogiques – type ateliers de simulation – elle est également responsable pédagogique des externes et responsable de la formation des internes de Gustave Roussy. « J’ai notamment eu l‘honneur d’être marraine d’une promotion de futurs jeunes médecins il y a deux ans : une belle occasion de constater que la relève est assurée ! »
 

… et de créer du lien

Dès son arrivée à Gustave Roussy, Laurence Albiges fait immédiatement le choix d’assumer des fonctions managériales hospitalières en tant que responsable du comité de cancérologie génito-urinaire de Gustave Roussy pendant six ans. Depuis 2021, elle est cheffe du Département de médecine oncologique. Elle a, entre autres, pour missions de structurer les soins, de favoriser la transversalité et l’émulation scientifique – « je crois beaucoup à la fertilisation croisée entre les disciplines » –, de créer une infrastructure de soins de qualité et d’assurer la prise en charge des patientes et patients à tous les stades de la maladie. « Quand on a la chance de travailler à Gustave Roussy, le premier centre européen en cancérologie, on a cœur de contribuer à donner le meilleur environnement possible aux patientes et patients en termes de prise en charge, et à ses collègues en termes de dynamisme scientifique », conclut Laurence Albiges.


 

Laurence Albiges