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Joanna Grisez, l'ancienne étudiante devenue championne de rugby

Alumni Article publié le 20 juin 2024 , mis à jour le 20 juin 2024

DESTINATION JOP 2024 : Ancienne étudiante à la Faculté des sciences du sport de l’Université Paris-Saclay, aujourd’hui athlète accomplie jonglant entre le rugby à VII et le rugby à XV, Joanna Grisez est de celles qui n’attendent pas, qui ne se réservent pas : elle fonce. Une carrière débutée sur le tard mais comme un boulet de canon, un palmarès déjà plus long qu’une nuit polaire, les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024 et la Coupe du monde 2025 en ligne de mire, accrochez-vous, le mode accéléré est activé et il n’est pas près de s’arrêter. Entretien.

Joanna, quand avez-vous découvert le rugby ?
Joanna Grisez : J’ai commencé en première année de licence, je suivais des cours de tennis et cette activité sportive était jumelée avec le rugby. Mon professeur de l’époque m’a ensuite encouragée à aller m’inscrire en club, à XV, et j’ai choisi Bobigny car j’habitais à côté, à Pantin. À la faculté des sciences du sport de l’université, on ne jouait qu’à VII car nous n’étions pas assez pour faire autre chose, et j’ai été sélectionnée en équipe de France universitaire. J’ai participé à deux Coupes du monde universitaires (2016 & 2018), que nous avons gagnées, et je suis aujourd’hui sous contrat avec la fédération à VII depuis 7 ans. Nous sommes beaucoup à découvrir le rugby à la faculté, avant de progresser et d’être ensuite repérées pour aller en équipe de France.

Donc, vous êtes sélectionnée en équipe de France universitaire seulement un an après avoir débuté le rugby. Comment s’est passée votre intégration ?
On fait avec ce qu’on a (rires) ! Ils (Les entraîneurs, ndlr) m’ont pris avec mes qualités et mes défauts, ils savaient que je n’étais pas la plus technique, ni celle qui « comprenait » le mieux le rugby, mais j’avais d’autres qualités, notamment athlétiques.

Ensuite, la « grande » équipe de France de rugby à VII vous appelle, avec comme point d’orgue la Coupe du monde 2022 au Cap, en Afrique du Sud ?
On termine sur la troisième marche du podium, donc ce n’était pas forcément la grande consécration, mais c’était quand même très chouette. On avait vécu un quart de finale très serré face aux îles Fidji, qui s’est joué dans les derniers instants, avec un essai dans les prolongations. Mais surtout, j’ai participé à la Coupe du monde à XV, dans la foulée. C’était assez intense car, au retour d’Afrique du Sud, j’ai eu seulement une semaine pour souffler et j’ai redécollé vers la Nouvelle-Zélande, où nous avons aussi décroché la médaille de bronze.

À XV, vous avez également un beau pédigrée, entre la Coupe du monde ou le Tournoi VI Nations…
J’ai eu la chance de jouer le VI Nations cette année, en 2024. Aller à XV n’était pas la priorité au regard de l’année olympique mais nous nous sommes mis d’accord avec la Fédération française de rugby pour répondre à la demande de passerelle sur des matchs du VI Nations. J’ai participé à la rencontre contre le Pays de Galles (victoire 40 à 0 de la France, et un doublé pour Joanna Grisez, ndlr) et je devais être sur la feuille de match pour l’Angleterre, mais je me suis blessée juste avant, malheureusement.

Alterner entre le rugby à VII et XV, qui sont deux disciplines quand même très différentes, ne vous pose pas trop de problèmes ?
Les deux ont leurs particularités, c’est sûr. Personnellement, je suis ailière, le passage de l’un à l’autre est plus simple. Je suis un électron un peu plus libre sur un terrain que mes co-équipières, je peux m’insérer un peu partout, même si au début cela demande un peu de concentration. Et puis, clairement, lorsque vous êtes prêtes au niveau du cardio pour le rugby à VII, vous êtes largement au point pour le rugby à XV.

Votre priorité, c’est le rugby à VII ou à XV ?
Pour le moment, le VII, d’autant plus avec les JOP qui arrivent. Mais l’année prochaine, je basculerai sur le XV, au Stade bordelais, avec pour objectifs le VI Nations 2025 à XV et, surtout, la Coupe du monde 2025 à XV.

En 2020, vous avez manqué les JOP de Tokyo à cause d’une blessure quelques heures avant la compétition. Cette année, les JOP de Paris, c’est un rêve, mais c’est aussi une revanche ?
Complètement. Quand vous avez « loupé » des JOP, vous avez une très grosse envie de participer et surtout de performer sur les suivants. D’autant plus quand c’est à Paris. En tant que sportive française, ces jeux sont le but ultime d’une carrière et d’une vie.

Aujourd’hui, vos journées sont rythmées en quasi-totalité par le rugby ? Être sous contrat fédéral, combien de joueuses ont cette chance en France ?
Oui, ce n’est que du rugby toute la journée. Quelques joueuses sont appelées sporadiquement pour jouer avec nous, sinon nous sommes 21 joueuses sous contrat fédéral. Du lundi au vendredi, nous sommes à Marcoussis, au Centre national de rugby (CNR), sauf lorsque nous sommes en stage. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’on soit blessée, on s’entraîne tout le temps. Personnellement, je ne reste qu’au CNR en ce moment pour faire ma réathlétisation avec le staff médical (Joanna souffre actuellement d’une lésion musculaire à la jambe, ndlr).

Dans un reportage, vous évoquiez le fait que ce serait sûrement vos derniers JOP. Parce que vous allez vous concentrer sur le XV (seul le rugby à VII est représenté aux JOP, ndlr) ?
Disons que c’est plus une question d’âge, et de corps. Je ne sais pas si je repartirais sur un cycle de 4 ans. Aujourd’hui, j’ai cette volonté de passer à XV pour participer à la Coupe du monde, pour retourner en club et avoir une vie complètement différente de celle que j’ai aujourd’hui. Mais il n’y a rien de réellement défini, je verrai où je me situe dans quelques mois.

Parce que vous ressentez l’impact du rugby de haut niveau sur votre corps ?
Oui, ça fait 6 ans que je suis sous contrat et il y a déjà eu beaucoup de casse. C’est très prenant, physiquement et moralement. Et puis, je ne sais pas non plus si je vais pouvoir rester performante aussi longtemps.

Avez-vous déjà réfléchi à l’après-carrière ?
Réfléchi… oui et non. J’y songe, j’essaie de m’y préparer au mieux. En ayant suivi un cursus complet, disons que j’ai assuré mes arrières. Mais aujourd’hui, l’objectif est de trouver une voie dans laquelle je me projette, et qui me plaît. J’y vais un peu à tâtons, je fais des formations, je vois ce qui peut me plaire. Mais c’est un peu compliqué de se projeter dans une « vie normale » avec celle que je mène actuellement.

Êtes-vous accompagnées pour réfléchir à la suite ?
Pour trouver une voie qui vous correspond, c’est entre vous et vous-même. Par contre, la FFR met en place d’autres choses. Par exemple, en leur présentant un projet qui a du sens et qui tient la route, ils peuvent financer des formations. C’est notamment via ce dispositif que mon Master of business administration (MBA) a été financé, et ma formation en design - architecture d’intérieur également.

Vous avez, en 2019, participé à une exposition organisée par l’Université Paris-Saclay en faveur de l’égalité homme-femme dans le sport (exposition Victoire, disponible en prêt, ndlr). Cette lutte pour plus d’équité et d’égalité, notamment en tant que rugbywomen, est-elle cruciale pour vous ?
Forcément. Je suis un peu au coeur de tout ça, du fait d’évoluer dans un sport qui, pendant très longtemps, a été très boudé par les femmes. La professionnalisation du rugby féminin est toute jeune, les premiers contrats datent de 2014, et on ne parle que des contrats fédéraux. Il n’y a pas encore d’argent en club, c’est complétement amateur, alors je suis directement concernée par les inégalités du rugby féminin en France, et dans le monde.

Avec votre expérience, trouvez-vous qu’il y a une évolution dans le bon sens ?
Ça prend énormément de temps, c’est très long… et toujours trop long à notre goût ! Mais oui, je vois de l’évolution. Quand je vois d’anciennes joueuses, qui racontent qu’elles cousaient leur écusson sur leur short en 2004, on reste un peu bouche bée. En 20 ans, le rugby féminin a tellement changé. Et le constat est le même si je fais le parallèle avec mon tout premier contrat fédéral, en 2018. Ça progresse petit à petit, mais nous sommes encore à des années lumières de ce qui se fait dans le sport masculin. Il faudra certainement passer par la médiatisation et la professionnalisation en club.

 

Biographie de Joanna Grisez

2014 - 2017 : Licence – entraînement sportif (Université Paris-Cité)
2017 - 2018 : Licence -- management du sport (Université Paris-Saclay)
2019 - 2021 : MBA – management du sport (Sports Management School)
Depuis 2022 : Formation – design – décoration d’intérieur (École d’arts appliqués – EDAA)

Rugby à VII
Championne du monde universitaire (2016 & 2018) Médaillée de bronze à la Coupe du monde (2022)
Rugby à XV
Médaillée de bronze à la Coupe du monde (2021)