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inbolt, et l’usine devient autonome

Innovation Article publié le 07 juin 2024 , mis à jour le 07 juin 2024

Dans un contexte de réindustrialisation et de pénurie d’ouvriers qualifiés, l’industrie cherche à automatiser ses procédés. Pour répondre à ces problématiques, la start-up inbolt commercialise des solutions de vision par IA pour la robotique industrielle. Fonctionnant avec une caméra 3D et des algorithmes d’intelligence artificielle hybride, la technologie d’inbolt promet de révolutionner l’usine.

Rudy Cohen, Albane Dersy et Louis Dumas se rencontrent en 2019 au sein du Master X-HEC Entrepreneurs après avoir étudié respectivement à l’ENS Paris Saclay, HEC et Supaero. « Dans le cadre d’un cours, nous devions réaliser un business plan en six semaines d’une entreprise factice. Nous nous sommes pris au jeu et avons visité des usines, contacté des industriels de l’automobile et de l’aéronautique pour comprendre quels étaient leurs problèmes. Nous nous sommes rendu compte que les difficultés étaient en lien avec la réindustrialisation. On construit beaucoup de nouveaux sites qui nécessitent de nombreux opérateurs. Mais le métier est dur et les employées et employés qualifiés se font plus rares. Faute de personnel, les usines n’ont pas le choix que d’automatiser leurs process avec des outils aussi flexibles que l'opérateur », précise Rudy Cohen.

Toujours étudiant, le trio décide de créer son entreprise, inbolt, qui palliera les manques des industriels. Comment ? En développant des solutions de vision par IA à installer sur les bras robotisés industriels afin de les rendre autonomes. La start-up conçoit ses premiers prototypes au sein du Drahi-X — Novation Center de l’École polytechnique. En 2019, elle remporte le prix Jean-Louis Gerondeau — Safran qui lui verse une somme de 20 000 euros. « C’est ce prix qui nous a vraiment lancés et nous a fait passer d’un projet étudiant à une vraie entreprise. Cette somme, quoique modeste, nous a permis d’avoir un stagiaire, d’acheter du matériel. Le prix nous a également fait connaître », ajoute le cofondateur. 

Repérée par le fonds d’investissement américain SOSV (HAX), inbolt s’installe pendant deux mois dans son incubateur à Shenzhen, en Chine. Après cette expérience singulière, le trio s’implante dans l’incubateur parisien Agoranov pour deux ans. En 2020, il est lauréat du concours d’innovation I-lab qui va lui allouer une subvention de 250 000 €. Enfin, au printemps 2022, la start-up lève trois millions d’euros en amorçage auprès de fonds d’investissement internationaux et de Laurent Dassault.
 

Automatiser les robots

La start-up inbolt, qui compte aujourd’hui une vingtaine d’employés, se consacre à rendre les bras robotisés autonomes grâce à la vision en trois dimensions. « Nous posons des caméras 3D, directement sur les robots déjà présents ou à installer dans les usines. Nous leur donnons une vision pour qu’ils s’adaptent à leur environnement et acquièrent une meilleure flexibilité », ajoute Rudy Cohen. Auparavant, l’automatisation des procédés nécessitait de contraindre le milieu à un prix parfois très élevé. Avec sa solution, inbolt vend les caméras et propose une licence afin d’accéder à son logiciel.

Le robot ainsi équipé du système de vision est totalement autonome. « Nos systèmes de vision sont fiables à 99,99 %, ce qui évite les arrêts sur les lignes de production, qui coûtent très cher à l’industriel », précise le cofondateur. Pour l’instant la seule limite demeure la résolution de la caméra : si elle est mauvaise, le robot ne peut pas agir sur de très petites pièces. « Pour parer à ce problème, nous nous adaptons avec différents types de caméras. Nous arrivons ainsi à guider des bras jusqu’à des précisions de 0,01 mm », explique Rudy Cohen.
 

Une technologie hybride

Toute la compétence de la jeune pousse provient de sa capacité à développer un logiciel couvrant toute une gamme de cas d’usage. « La question est de savoir comment on se sert de la vision du robot pour modifier sa trajectoire en temps réel. Nous sommes confrontés à deux types de cas : le premier où l’environnement est dynamique, c’est-à-dire où la pièce à manipuler va bouger constamment comme sur une ligne d’assemblage par exemple. Nous sommes en mesure d’automatiser ces postes, car notre logiciel agit en temps réel. Le second cas de figure est celui d’un environnement statique. Notre technologie rend le robot capable de travailler sur le composant, peu importe où elle se trouve dans son champ de vision. Une fois l'algorithme entraîné, on le teste de manière automatique en programmant une trajectoire de test au robot. Ainsi, on valide les performances de l'algorithme », développe Rudy Cohen.

La technologie d’inbolt peut s’installer sur les principales marques de bras robotiques opérés dans l’industrie. Pour déduire la position de la pièce, le logiciel doit d’abord en étudier les plans d’assemblage (CAO) en trois dimensions. En 15 à 20 minutes, l’algorithme est entraîné et va traquer la position du composant.

Pour sa technologie, la start-up déploie une approche qui utilise des algorithmes de deep learning contraints par de la logique. Cette intelligence artificielle hybride réunit le raisonnement et la donnée pour imaginer des systèmes performants et sûrs. « Nous avons choisi cette solution, car l’utilisation du deep learning uniquement nous donnait en sortie un modèle probabiliste beaucoup moins fiable », ajoute Rudy Cohen.
 

Capter d’autres marchés

La start-up vise les marchés de la manufacture, de l’automobile ou de l’électronique. Elle a déjà déployé sa technologie dans une quinzaine d’usines en Europe : en France, en Italie, en Hongrie, en Suède, en particulier dans le secteur de l’automobile. « Nous ne nous fixons pas de contrainte géographique. Nos clients ont des installations à automatiser partout dans le monde et nous les suivons. Nous prévoyons d’implanter un bureau aux États-Unis d’ici la fin de l’année », précise le cofondateur.

Si inbolt est apte à installer ses systèmes de vision sur la plupart des bras, rllr veut conquérir l’ensemble du marché en s’adaptant à toutes les marques et ainsi agrandir les frontières de sa technologie. L’entreprise envisage de fournir sa solution aux domaines de la logistique, de l’électronique, aux équipes de recherche ou encore à investir le milieu de la robotique médicale. « Quand on fait une opération, la peau du patient bouge parce qu’il respire. Le robot doit donc être capable d’anticiper ce mouvement. Le médical est une piste à très long-terme, mais qui souligne le large potentiel de la technologie. Nous n'avons pas encore mis en place une roadmap produit afin d'aller sur ce genre de cas d'usage. Notre objectif, à terme, est que n’importe qui puisse s’approprier notre technologie », explique Rudy Cohen. Il poursuit : « ce sont des marchés énormes avec un très fort potentiel ». inbolt travaille main dans la main avec les fabricants et les intégrateurs, qui visent les mêmes marchés. « Ce sont nos partenaires, c’est gagnant-gagnant pour les deux parties. Ils nous aident à trouver de nouveaux clients. »

Pour financer ces projets futurs, la start-up finalise une levée de fonds, au montant encore tenu secret, afin d’être rentable dans les années suivantes et s’émanciper de ces tours de table. Cela permettra notamment à inbolt de recruter quinze personnes en 2024 et vingt l'année suivante.