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Francesco Massimo : une avancée dans la simulation de l’accélération laser-plasma grâce au code libre Smilei

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 17 juillet 2024 , mis à jour le 17 juillet 2024

Francesco Massimo est chercheur au Laboratoire de physique des gaz et des plasmas (LPGP - Université Paris-Saclay/CNRS) depuis 2022. Il étudie l’accélération d’électrons dans des ondes de sillage générées par des impulsions laser intenses dans les plasmas. Depuis 2017, il travaille également sur Smilei, un code open-source lauréat, dans la catégorie « scientifique et technique », du prix science ouverte du logiciel libre de la recherche 2023 décerné par le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

« La création du code Smilei remonte à 2013. L'équipe de développement initiale était composée de chercheurs et chercheuses du Laboratoire pour l'utilisation des lasers intenses (LULI – CNRS/École polytechnique/Sorbonne Univ.), du Laboratoire Leprince Ringuet (LRR – CNRS/École polytechnique) et de la Maison de la simulation (MdS – Univ. Paris-Saclay/UVSQ/Inria/CNRS/CEA). Tout comme aujourd’hui, il existait à cette époque une forte demande de soutien en modélisation numérique pour l’interaction entre les lasers et les plasmas », commente Francesco Massimo, aujourd’hui spécialiste de ce code au sein du Laboratoire de physique des gaz et des plasmas (LPGP - Université Paris-Saclay/CNRS). « L’équipe, principalement constituée de très jeunes chercheurs et chercheuses, a rapidement réalisé l'importance de développer un code de simulation libre et polyvalent. Ce qui explique que Smilei soit désormais utilisé dans plusieurs domaines de recherche, par exemple l’accélération de particules, l’astrophysique ou l’électrodynamique quantique », ajoute le chercheur qui travaille sur ce code depuis 2017 et son arrivée au LRR.


Le pouvoir de l’open-source

« Imaginez que les gens puissent utiliser ou modifier ce code pour faire avancer la connaissance. À quel point cela serait-il fascinant ? C'est là le pouvoir ultime du code libre. Pour autant, il persiste des myriades de défis à relever », avance Francesco Massimo lorsqu'on l'interroge sur sa décision d'opter pour l’open-source. « Le code n’est pas financé par le biais des licences payées par les utilisateurs. Or la quantité de ressources nécessaires est significative et souvent sous-estimée, à la fois en termes de finances et des compétences demandées pour développer, vérifier et maintenir le code. Heureusement, Smilei est issu d’une collaboration entre des expertes et experts du calcul à hautes performances et de la physique des plasmas de plusieurs laboratoires du plateau de Saclay. C'est un des éléments qui a permis au code de prospérer. Et très récemment, j'ai commencé à voir des chercheurs et des chercheuses inclure le fichier d'entrée de leur calcul dans l'article en lui-même, afin d'aborder la question de la reproductibilité. » Ainsi en juin 2024, on compte au moins 190 articles évalués par des pairs décrivant des simulations effectuées avec l’aide de Smilei. « Il y a même des scientifiques travaillant dans des domaines dont nous n’avions pas connaissance qui utilisent le code », se réjouit le chercheur du LPGP.


La quête de la recherche, de l'Italie à la France

« J'ai toujours été fasciné par la physique », se souvient Francesco Massimo pour expliquer son parcours. « Lorsque j’étais en licence d’ingénierie électronique à l'université Sapienza de Rome, comprenant un focus sur l’électromagnétisme appliqué, mes amis qui étudiaient la physique discutaient avec moi de leurs cours sur la résolution numérique d’équations différentielles, ce qui a éveillé ma curiosité. Et grâce à mes encadrants de thèse, j’ai été piqué par la résolution numérique intégrée des équations différentielles des modèles mathématiques de la physique. Pendant mon doctorat, j'ai en effet expérimenté de façon directe le développement collaboratif de code pour l’accélération des particules dans les plasmas. »

Après sa thèse, le jeune chercheur effectue plusieurs postdoctorats dans différents laboratoires du plateau de Saclay spécialisés en physique des plasmas et physique des particules. Là, il s’attache principalement à mettre en œuvre divers modules physiques dans le code Smilei et à améliorer la scalabilité de ses performances. « Commencer à contribuer à Smilei a représenté pour moi une évolution naturelle de mes expériences précédentes », relate le chercheur qui rejoint le LPGP en 2022 en tant que chargé de recherche au CNRS. Avec ce code, il tente de décrire de manière auto-consistante l’interaction entre les plasmas et des impulsions laser intenses, dans des conditions expérimentales d’intérêt pour son domaine. « La physique des plasmas dans ces régimes est très non linéaire. Cela signifie que la modification minime d'un seul paramètre peut parfois complètement changer la physique. Cela rend difficile non seulement la simulation en conditions plus réalistes, mais aussi notre compréhension des phénomènes », explique Francesco Massimo lorsqu'on l'interroge sur la particularité de son domaine de recherche.


Recherche percutante et science ouverte

« Si la diffusion de leurs résultats de recherche par le biais d'articles scientifiques reste une activité majeure pour les chercheurs et les chercheuses, il convient de noter que le nombre de publications n’est pas le seul indicateur d’un travail scientifique de qualité. D’autres critères d’importance primordiale incluent la reproductibilité de ces résultats, et la mise à disposition d’outils et de données réutilisables par la communauté scientifique », souligne Francesco Massimo. « Les institutions de recherche, les agences de financement et les évaluateurs devraient en tenir compte lorsqu'ils évaluent la carrière d'un scientifique. » Pour lui, les scientifiques ne sont pas des machines à publier mais des intermédiaires entre la science et la société. À ce titre, Francesco Massimo privilégie le principe d'une recherche à fort impact (immédiat ou futur) et reproductible plutôt que le nombre de publications. « Publier de nombreux articles/codes sans documentation ou sans toutes les informations nécessaires à reproduire les résultats n’aide pas beaucoup les autres scientifiques. Il est donc extrêmement important de former les doctorantes et doctorants, mais aussi les chercheurs et chercheuses permanentes, aux bonnes pratiques de la science ouverte. »


Planter et continuer à arroser les graines de la science ouverte pour un futur stimulant

Lorsqu’il évoque l'avenir de la recherche scientifique au regard de l’open-source, le chercheur se montre optimiste. « Pour les étudiantes et les étudiants, disposer d’un code de simulation libre offre l’opportunité d’explorer de manière plus interactive les phénomènes abordés dès leur plus jeune âge dans les cours de physique. Les images et les animations issues de simulations numériques sont souvent des moyens efficaces pour susciter leur intérêt et les encourager à étudier les modèles physiques sous-jacents. »

Quant au code Smilei, le chercheur fourmilles d’idées de modules physiques à intégrer. « Et d’autres modules et géométries déjà fonctionnelles sur une unité centrale de calcul (CPU) seront bientôt disponibles pour une unité de traitement graphique (GPU). Un de nos objectifs est d’obtenir de bonnes performances énergétiques, et ce travail de portage permettra d’effectuer des simulations sur les architectures les plus récentes et les plus efficaces, qui sont maintenant souvent basées sur des GPUs. » La recherche de collaborations futures est une autre des préoccupations de Francesco Massimo. « Nous avons déjà établi une solide base d’utilisateurs et d’utilisatrices dans plusieurs pays, dont les retours ont significativement contribué à améliorer le code. Je serais ravi d’avoir un rôle actif dans son expansion vers des nouveaux horizons », conclut-il.