ERC 2022 : deux lauréats liés à l’Université Paris-Saclay sortent des listes d’attente
Le Conseil européen de la recherche (ERC) vient de publier le nom des lauréats 2022 qui bénéficieront des financements après avoir été mis sur liste d’attente. Parmi les scientifiques sélectionnés, deux sont issus de la communauté de l’Université Paris-Saclay : Sandrine Lévêque-Fort et Raffaele Colombelli.
Sandrine Lévêque-Fort
Directrice de recherche CNRS à l'Institut des sciences moléculaires d'Orsay (ISMO – Univ. Paris-Saclay/CNRS), Sandrine Lévêque-Fort est récipiendaire d’une bourse « Advanced » pour son projet TimeNanoLive, qui a débuté le 1er novembre 2023.
Directrice scientifique et cofondatrice de la start-up Abbelight, qui développe des instruments de microscopie optique à fluorescence pour la recherche biologique, Sandrine Lévêque-Fort a été récompensée du prix Irène Joliot-Curie 2020 dans la catégorie "Femme, recherche et entreprise".
Son projet lauréat, Time-based single molecule nanolocalization for live cell imaging, ou TimeNanoLive, se concentre sur le développement de la microscopie optique super-résolue, une technique visant à reproduire avec précision l'organisation tridimensionnelle des protéines à l'intérieur des cellules ou des tissus. Actuellement, les approches reposant sur la localisation de molécules fluorescentes individuelles permettent une observation à l'échelle nanométrique, mais le processus actuel de localisation de ces molécules qui repose sur l’analyse d’un grand nombre d’images détectées est lent et se limite le plus souvent à l’observation de cellules non vivantes. TimeNanoLive a ainsi pour objectif de révolutionner la localisation en utilisant une illumination structurée spécifique pour encoder la position 3D des molécules fluorescentes avec une résolution spatiale et temporelle accrue.
Cette approche déplace l'étape de localisation à l'illumination et permet, alors, de repenser la stratégie de détection. Les caméras conventionnelles sont remplacées par de nouveaux détecteurs, offrant une acquisition plus rapide et fournissant de nouvelles informations sur l'environnement des molécules fluorescentes. L’observation en temps réel et à l'échelle nanométrique des cellules vivantes permettra de comprendre l'évolution temporelle des structures intracellulaires et leurs fonctions, ouvrant ainsi la voie à une meilleure compréhension de diverses maladies.
Le projet TimeNanoLive propose un nouveau concept de localisation de molécules fluorescentes individuelles: a) la position d’une molécule unique est codée par une illumination structurée de modulation variable en temps qui induit une modulation de la fluorescence à une fréquence spécifique pour chaque point du champ d’observation; b) La position suivant x et y peut être obtenue en combinant différentes illuminations. Ce principe peut s’étendre à 3 dimensions; c) La résolution accrue et la rapidité de l’acquisition permettront de pouvoir observer l’évolution des protéines intracellulaires en cellules vivantes et non plus seulement en cellules fixées (images 3D limitées par la diffraction à gauche et super-resolue à droite de 2 composants du cytosquellettes (tubuline (codage rouge) et actine (codage bleu)) © Sandrine Lévêque-Fort, 2024.
Raffaele Colombelli
Directeur de recherche CNRS au Centre de nanosciences et de nanotechnologies (C2N – Univ. Paris-Saclay/CNRS/Univ. Paris-Cité), Raffaele Colombelli est récipiendaire d’une bourse « Advanced » pour son projet SMART-QDEV.
Son projet lauréat, intitulé Ultra-fast non-linear quantum semiconductor devices in the strong light-matter coupling regime, ou SMART-QEV, se concentre sur les dispositifs semi-conducteurs quantiques. Les systèmes électroniques à semi-conducteurs à confinement quantique fonctionnant dans le régime de couplage fort lumière-matière acquièrent des propriétés optiques non linéaires radicalement nouvelles. SMART-QDEV s’appuiera sur ces propriétés pour faire la démonstration d'une nouvelle classe de dispositifs semi-conducteurs dotés de fonctionnalités non linéaires ultra-rapides.
Le projet, qui débutera en septembre 2024, ciblera la gamme spectrale de l'infrarouge moyen, notamment en raison des gaz de cette gamme qui présentent des lignes d'absorption spectrales caractéristiques. L'un des principaux objectifs est de développer des sources et des peignes de fréquence compacts et pratiques à verrouillage de mode, qui font actuellement défaut dans cette région du spectre. Des miroirs d'absorption saturables à semi-conducteurs ultra-rapides (SESAM) seront démontrés dans toute la gamme spectrale de l'infrarouge moyen. Ces SESAM, qui ont révolutionné les lasers ultrarapides dans l'infrarouge proche, ne sont pas encore disponibles pour les grandes longueurs d'onde. Ce développement sera ensuite appliqué aux lasers à cascade interbandes et aux lasers à fibre, ce qui permettra des avancées radicales dans la technologie des peignes laser.
Le deuxième axe du projet concerne la physique fondamentale et particulièrement l’étude de la limite des non-linéarités à quelques photons, jusqu'au cas ultime de dispositifs capables de "détecter" des photons virtuels. Le but recherché est de développer des dispositifs dont le fonctionnement est affecté par les photons du champ du vide, un effet électrodynamique purement quantique, développant ainsi un nouveau concept de capteur de proximité basé sur l'électrodynamique de la cavité.
Figure 1 - En bas : architecture de cavité pour l'exploitation des non-linéarités dans le régime de couplage fort : QWs actifs (rose) intégrés dans des cavités métalliques hautement confinantes (jaune).
En haut : intensité de saturation adaptable en fonction de la force du couplage lumière-matière, et dispositifs potentiels pour les différents régimes.