Edonia concocte les petits plats durables du 21e siècle

Innovation Article publié le 28 février 2025 , mis à jour le 28 février 2025

Cofondée en 2023 par un alumnus d’AgroParisTech et deux collaborateurs, et accompagnée par le Food'InnLab d’AgroParisTech et l’accélérateur 21st de CentraleSupélec, Edonia est une deeptech de l'alimentation durable. Son projet est de commercialiser une alternative à la viande la moins transformée et la plus nutritive du marché. Forte de sa méthode innovante de texturation de la spiruline, l’ingrédient phare de son alternative végétarienne, la start-up a récemment réalisé une levée de fonds de deux millions d’euros. Désormais, Edonia accélère son développement et franchit de nouvelles étapes.

L’agriculture occupe aujourd’hui une position particulière dans le problème climatique. Pour une grande partie à cause de l’élevage, elle est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre en France (à hauteur de 19 %). Cela en fait un des principaux responsables du changement climatique et de la perte de biodiversité. En revanche, elle en est aussi la victime puisque, par exemple, elle souffre des restrictions d’eau en période de sécheresse. Cela concernait 51 % du territoire en 2022, contre 14 % en 2017. Elle se voit donc dans l’obligation de développer des solutions pour s’adapter à cette situation.

Cela passe notamment par la modification des habitudes alimentaires de chacun et chacune et une végétalisation plus importante des menus. Mais vouloir diminuer la place de la viande dans les repas n’a rien d’anodin. Cela bouleverse les goûts d’une grande partie des consommateurs et consommatrices, sensibles également à la texture et aux couleurs des mets présents dans leurs assiettes. Pour favoriser néanmoins cette transition vers une alimentation moins carnée, le secteur agro-industriel explore la fabrication d’aliments similaires à la viande mais à base de végétaux. 

« Les microalgues ont le potentiel de réaliser cette transition protéique », confie Hugo Valentin, CEO et cofondateur de la start-up Edonia avec Pierre Mignon et Nicolas Irlinger, diplômé d’AgroParisTech. Créée en 2023 par le trio, la start-up commercialise une alternative à la viande constituée de spiruline, la reine des microalgues, dont les qualités nutritives sont remarquables et battent celles de la viande en termes de concentration de protéines.


L’agro-industrie à court de solutions

La spiruline est un ingrédient bien connu du secteur agro-industriel, qui l’exploite de longue date. Elle bénéficie également d’une bonne presse auprès du grand public en tant que complément alimentaire de qualité. Toutefois, le secteur bute sur deux problèmes. D’une part, les procédés existants de transformation des aliments végétaux sont très lourds. « Cela nécessite en général plusieurs étapes : il faut extraire les protéines, les extruder puis les aromatiser, ajouter des agents texturants, etc. Beaucoup d’acteurs cherchent donc plus de naturalité », expose Hugo Valentin.
D’autre part, les industriels estiment que la spiruline n’est pas un ingrédient facile à insérer dans les habitudes alimentaires de la population. « Dès qu’on essaie d’intégrer de la spiruline en poudre dans un produit, on obtient tout de suite quelque chose de très vert, avec des goûts un peu forts et des odeurs peu agréables », rapporte le CEO d’Edonia. C’est pourquoi l’agro-industrie est aujourd’hui à la recherche d’alternatives végétales nutritivement performantes, qui soient à la fois plus naturelles et plus attirantes en termes de goûts et de texture. Un besoin auquel répond la start-up Edonia.
 

Une première expérience entrepreneuriale profitable

Pour développer son alternative végétale, l’équipe d’Edonia s’appuie sur l’expérience qu’elle a acquise lors d’une précédente aventure entrepreneuriale. À ce moment-là, l’équipe travaille « sur des produits en sauce et des tartinables » à base de spiruline et sur leur commercialisation. En collaboration avec le laboratoire Paris-Saclay Food and Bioproduct Engineering (Say Food - Univ. Paris-Saclay/INRAE/AgroParisTech) et hébergé au Food’InnLab d’AgroParisTech, le projet table alors sur une approche Business to Consumer (B2C), c’est-à-dire de la vente directe au consommateur final. « Il nous fallait construire une marque et la distribuer », se souvient Hugo Valentin. C’est au cours de cette première aventure que les fondateurs ont l’idée de leur nouveau procédé de texturation de la spiruline : « l’édonisation ». Si les détails de ce procédé restent secrets, il produit un ingrédient similaire à la viande hachée, que l’équipe incorpore dans des steaks ou des lasagnes végétariennes.

À la naissance d’Edonia, les associés décident de rester au Food’InnLab d’AgroParisTech pour développer leur technologie. Le projet est désormais accéléré au 21st de CentraleSupélec. Par le biais de ces deux incubateurs liés à l’université Paris-Saclay, l’équipe d’Edonia accède aux réseaux de scientifiques de cet écosystème et en profite pour lever les blocages techniques qu’elle rencontre dans les différents aspects de son développement. « Avec CentraleSupélec, on travaille sur la culture de la biomasse, et avec AgroParisTech, on travaille plutôt sur la transformation des aliments », éclaire Hugo Valentin.
 

Des preuves de concept convaincantes et une importante levée de fonds

Grâce au développement rapide de sa technologie, Edonia entre actuellement dans une phase de pré-commercialisation : « On teste notre ingrédient chez des industriels de différents types : grands groupes, start-up, restauration collective. On développe avec eux des preuves de concept sur leurs chaînes de production et on entre dans une logique de précontrat et de négociation de vente. »

Alors que les différents financements perçus pour l’amorçage du projet, notamment de BPI France, ne suffisent plus à avancer, la start-up réalise en mai 2024 une levée de fonds de deux millions d’euros auprès de l’investisseur Asterion Ventures. Avec cette trésorerie, l’équipe s’engage aujourd’hui dans le recrutement de personnel et la construction d’une ligne de production. « C’est un moment où il faut être bien concentrés et exécuter dans les temps les objectifs que l’on s’est fixés », appuie le CEO d’Edonia.


Une industrialisation imminente

Ces objectifs sont ambitieux et la start-up s’engage sur une trajectoire de croissance rapide. « Le montage de notre première ligne de démonstrateur industriel s’achève tout juste et nos premières livraisons sont déjà programmées », expose le cofondateur. Ce développement rapide témoigne de la vitesse de maturation de la technologie d’Edonia et de son adéquation avec les besoins du marché. « Dans quelques mois, nous allons à nouveau lever des fonds pour commercialiser à plus grande échelle notre produit. »

Pour Hugo Valentin, cette rapidité et ces ambitions élevées ne sont pas seulement dues à la pertinence de leur technologie, mais aussi à leur changement de modèle entrepreneurial. Alors que leur premier projet cherchait à créer une marque de produits alimentaires basés sur les microalgues distribués en grande surface, les cofondateurs ont choisi pour Edonia un « modèle ingrédientiste, Business to Business (B2B). Nous produisons l’ingrédient puis le vendons à la tonne aux agro-industriels et à la restauration collective ».
 

Un impact décisif sur le menu du futur

Ce changement de cadre dope d’ailleurs la volonté des cofondateurs : « Ma plus grosse motivation est le potentiel d’impact de notre ingrédient. Notre positionnement nous place en concurrence directe avec le bœuf haché, ce qui nous permet de viser des volumes vraiment massifs. Notre vocation est de produire de gros tonnages, avec une vision mondiale », raconte Hugo Valentin. L’adoption, par l’agro-industrie, de l’ingrédient d’Edonia facilitera alors peut-être celle de nouvelles habitudes alimentaires, plus vertueuses et susceptibles de réduire l’impact de l’alimentation sur le changement climatique. Des habitudes qui vont dans le sens de la nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre et des économies d’eau, des atouts indéniables dans la lutte contre le phénomène.