
Alexandra Bensamoun : construire l’avenir du droit du numérique à l’ère de l’intelligence artificielle
Professeure de droit privé et sciences criminelles à l’Université Paris-Saclay, chercheuse au Centre d’études et de recherche du droit de l’immatériel (CERDI – Univ. Paris-Saclay) et au Centre de recherche Léon Duguit (CRLD – Univ. Paris-Saclay/Univ. Évry Paris-Saclay), Alexandra Bensamoun participe activement à la régulation nationale, européenne et internationale de l’intelligence artificielle. Elle a récemment été nommée au grade de chevalière de l'ordre des Arts et des Lettres par la ministre de la Culture.
Après un cursus à Sciences Po Paris, Alexandra Bensamoun rejoint l’Université Paris-Sud (aujourd’hui Univ. Paris-Saclay) en 1994 pour y étudier le droit. Au terme d’un master 2 spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et du numérique, elle réalise une thèse sur le dialogue entre législateur et juge en droit d’auteur, explorant l’évolution de la protection des œuvres dans un environnement technologique.
La recherche comme moteur : propriété intellectuelle et IA
En 2007, Alexandra Bensamoun est recrutée comme maîtresse de conférences à l’Université Paris-Sud et intègre le Centre d’études et de recherche du droit de l’immatériel (CERDI) en tant qu’enseignante-chercheuse. Le pôle est reconnu pour son expertise sur les questions de propriété intellectuelle, droit des données personnelles, droit pénal des nouvelles technologies ou encore droit du marché de l’art. Alexandra Bensamoun y développe ses premières recherches sur la protection des œuvres face à la dématérialisation croissante des contenus.
À partir de 2013 et jusqu’en 2016, elle assure la direction du laboratoire et œuvre à l’expansion de l’équipe. « Dans la lignée de mes prédécesseurs, j’ai appuyé une politique d’embauche active et nous avons accueilli une nouvelle génération de chercheurs et chercheuses financés par des projets ou des contrats doctoraux. »
Parallèlement, elle s’implique dans le développement de l’Institut DATAIA, l’institut d’intelligence artificielle (IA) de l’Université Paris-Saclay. Depuis la création de cet institut, elle siège au comité exécutif. « En collaborant avec des spécialistes des sciences dures, j’ai découvert des approches interdisciplinaires fascinantes, qui ont grandement enrichi mes analyses juridiques de l’IA. »
Son ouvrage, codirigé avec le professeur Grégoire Loiseau, Droit de l’intelligence artificielle, dont la première édition date de 2019, offre l’une des premières synthèses complètes en langue française sur les aspects juridiques de l’IA. « Je crois en la force de l’intelligence collective : si la recherche individuelle nourrit la réflexion, le dialogue scientifique l’enrichit indispensablement. »
Engagée au service de l’intérêt général
Au-delà de ses travaux scientifiques, Alexandra Bensamoun occupe une place importante dans la gouvernance universitaire et nationale. Élue dès 2013 à la Commission de la recherche et au Conseil académique restreint de l’Université Paris-Sud, elle y promeut notamment la création de filières d’excellence en droit du numérique. Elle siège aussi au conseil de la Faculté Jean Monnet (Droit – Économie - Management) de l’Université Paris-Saclay et contribue activement à la politique scientifique de la composante.
Ses compétences l’amènent par ailleurs à conseiller directement le Ministère de la culture. « J’ai l’honneur d’être nommée personnalité qualifiée au sein du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. » Reconduite depuis 2018, elle y rédige des rapports influençant l’évolution législative en France et en Europe, dont le dernier, remis en décembre 2024 à la demande de la ministre de la Culture Rachida Dati, sur la mise en œuvre du Règlement européen sur l’IA. Désignée en 2023 par l’ex-Première ministre Élisabeth Borne au sein d’une commission interministérielle sur l’IA, Alexandra Bensamoun contribue au rapport IA : notre ambition pour la France, remis au président de la République en mars 2024. Elle défend une approche équilibrée : « Une législation bien conçue renforce confiance et créativité, tout en prévenant des dérives comme le scoring social ou l’évaluation automatisée de la récidive pénale, aux biais discriminatoires avérés. Opposer innovation et régulation n’a pas de sens. Je défends une approche raisonnée et raisonnable de l’IA, qui offre d’immenses opportunités économiques et sociétales, à condition de bâtir un marché compétitif fondé sur nos valeurs européennes. »
Sur la scène internationale, elle est également experte auprès de l’Unesco pour la diversité des expressions culturelles dans l’environnement numérique.
Transmettre et innover : un engagement pédagogique
Le volet pédagogique constitue un autre pilier du parcours d’Alexandra Bensamoun. Après avoir soutenu son Habilitation à diriger des recherches en 2010, elle devient professeure à l’Université de Rennes en 2016, où elle crée un diplôme en alternance consacré au droit du numérique. « J’y ai structuré un axe de recherche dédié à la régulation du numérique. J’ai aussi animé l’équipe pédagogique pour former des juristes capables d’anticiper les mutations technologiques. » En 2021, elle revient dans l’orbite de l’Université Paris-Saclay, cette fois par l’Université Évry Paris-Saclay. Elle contribue à la mention de master Droit de la propriété intellectuelle, du numérique et de l’espace, au sein de laquelle elle a créé un master 2 / Master of Laws (LL.M) en partenariat avec l’Université autonome de Madrid et l’Université Laval au Québec. « Au premier semestre, toutes les étudiantes et tous les étudiants se réunissent en cohorte à la Faculté Jean Monnet à Sceaux, puis elles et ils partent étudier au Québec ou en Espagne au second semestre. Elles et ils terminent avec deux diplômes, un master 2 français et un LL.M. international. »
Son activité, qui alterne entre responsabilités scientifiques, d’intérêt général et pédagogiques, repose sur une même conviction : « L’université est le siège de toutes les innovations. Ensemble, nous approfondissons le savoir, transmettons aux nouvelles générations et favorisons l’émergence d’idées inédites. C’est une chance incommensurable. »
Élan vers l’avenir et reconnaissance
Bien qu’elle se consacre déjà à de multiples missions, Alexandra Bensamoun suit entre 2024 et 2025 une formation d’un an destinée aux hauts fonctionnaires, à l’Institut national du service public (anciennement ÉNA). Elle y développe ses compétences en management, en intelligence collective et en prise de décision, dans le but de renforcer son expertise politique et managériale face aux défis contemporains. Son savoir-faire est recherché aussi bien dans les sphères politiques que dans le secteur privé.
Pourtant, elle reste attachée à l’enseignement et à la recherche : « En tant que professeure d’université, je bénéficie d’une liberté de recherche et d’action incomparable. Je souhaite préserver cette liberté intellectuelle, qui est un atout précieux pour continuer à conseiller, à écrire ou à bâtir des dispositifs de régulation. »
En 2025, ce double engagement reçoit une reconnaissance officielle : la ministre de la Culture la nomme chevalière dans l’ordre national des Arts et des Lettres, et lui remet personnellement la médaille à l’occasion d’une cérémonie à la rue de Valois, récompensant ainsi son rôle important dans l’évolution du droit de la propriété intellectuelle et du droit du numérique. « C’est un honneur qui me touche profondément. Mon grand-père aurait été fier, mes pensées vont vers lui en cette étape de ma carrière. »