Puri López-García : naturaliste du monde microbien en quête des origines de la vie

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 03 juillet 2025 , mis à jour le 03 juillet 2025

Puri López-García est chercheuse en biologie et directrice de recherche CNRS au laboratoire Écologie, société et évolution (ESE - Univ. Paris-Saclay/CNRS/AgroParisTech). Spécialiste des micro-organismes, notamment les archées, les bactéries et les eucaryotes microbiens, elle cherche à travers l'étude du monde invisible à remonter le fil de l'histoire de la vie sur Terre et à éclairer les grandes transitions évolutives qui ont façonné cette planète. Elle est également membre de l'Académie des sciences, de l'Académie royale de Belgique et de l'Académie américaine de microbiologie.

Née à Madrid, en Espagne, Puri López-García se passionne très tôt pour la nature et les animaux, ce qui la conduit à entreprendre des études de biologie. À l’université, elle découvre le monde des plantes puis celui des micro-organismes. « J’ai immédiatement été fascinée par ce monde invisible. Cela m’a donné envie de comprendre les écosystèmes dans leur globalité, en y incluant toutes les formes de vie, même les plus petites », se souvient la chercheuse. Déjà passionnée par les questions d’évolution et d’origine de la vie, elle s’inscrit à l’issue de son cursus initial en anthropologie mais réalise rapidement que c’est le monde microbien qui l’attire davantage. Elle choisit alors de se spécialiser en biologie marine et part étudier à l’Université de La Laguna, aux îles Canaries. « Pendant deux ans, j’y ai découvert l’océanographie, la biologie du plancton, et développé mon premier petit projet de recherche », raconte-t-elle. Une expérience grâce à laquelle un univers foisonnant s’ouvre à elle - celui des organismes marins invisibles mais essentiels - et qui confirme sa volonté de faire de la recherche.
 

Un point de départ : la découverte des archées

Lors de son doctorat à l’Université autonome de Madrid, Puri López-García intègre un laboratoire situé dans un centre de biologie moléculaire très réputé. Elle y entreprend l’étude des archées halophiles, en particulier l’espèce Haloferax mediterranei, un micro-organisme vivant dans des environnements saturés en sel. Elle décide alors de consacrer sa thèse à l’organisation physique du génome de cette archée. Elle découvre que Haloferax possède un chromosome circulaire et trois mégaplasmides, une structure génomique alors peu connue. « À cette époque où le séquençage des génomes n’était pas encore généralisé, j’utilisais des techniques comme l’hybridation avec des fragments d’ADN radioactifs marqués au phosphore 32 et l’électrophorèse en champ pulsé pour cartographier physiquement le génome », explique la chercheuse, bien décidée à orienter ses recherches vers l’évolution des formes de vie et les environnements extrêmes où elles prospèrent.
 

L’hypothèse de la syntrophie

Elle poursuit son parcours par un post-doctorat à l’Université Paris-Sud (aujourd’hui Université Paris-Saclay), où elle travaille sur la topologie de l’ADN chez les archées hyperthermophiles. « Mes recherches sur les adaptations à haute température m’ont alors amenée à m’intéresser à la manière dont les premières cellules ont pu apparaître et évoluer », indique-t-elle. Avec son collègue David Moreira, elle conçoit l’hypothèse de la syntrophie, un modèle selon lequel la cellule eucaryote serait issue d’une symbiose à trois partenaires : une archée, une bactérie hôte et une alpha-protéobactérie (ancêtre de la mitochondrie). Cette théorie, jugée audacieuse à l’époque, retrouve aujourd’hui une forte résonance avec la découverte des archées du groupe Asgard, proches des eucaryotes.
 

Un virage décisif : vers la diversité microbienne des milieux marins profonds

Revenue en Espagne, elle intègre l’Université Miguel Hernández, à Alicante, et commence à explorer la diversité microbienne des milieux marins profonds, grâce aux outils de biologie moléculaire. « Avec David Moreira, nous avons alors identifié des lignées archéennes inconnues et découvert une diversité insoupçonnée de micro-organismes eucaryotes dans l’océan profond », explique la chercheuse. Des résultats qui lui valent une publication dans Nature et ouvrent la voie à une exploration nouvelle du vivant invisible.
 

Retour en France et structuration d’une équipe au CNRS

En 2002, elle intègre le CNRS en tant que chargée de recherche. Avec David Moreira, elle fonde à Orsay l’équipe Diversité, écologie et évolution microbiennes (DEEM), au sein du laboratoire Écologie, systématique et évolution (ESE – Univ. Paris-Saclay/CNRS/AgroParisTech). « Nos travaux consistent dès lors à explorer la diversité microbienne et l’écologie des milieux peu explorés afin de répondre à des questions fondamentales sur l’origine de la vie, sa diversification et les grandes transitions évolutives », indique-t-elle. Son approche combine l'exploration sur le terrain pour comprendre l'écologie des organismes dans leur environnement, en particulier les milieux extrêmes, et des analyses méta-génomiques et phylogénétiques poussées pour reconstruire l'histoire évolutive.
 

Expéditions et milieux extrêmes : aux frontières du vivant

Puri Lopez Garcia expedition

Tout au long de sa carrière, ses recherches l’ont donc menée à organiser et à participer à de nombreuses expéditions scientifiques dans des environnements variés et extrêmes, tels que les lacs volcaniques mexicains, les sources hydrothermales, les abysses, les Andes chiliennes, Dallol et la dépression du Danakil en Éthiopie. « Ces terrains d’étude me permettent d’observer la vie dans des conditions extrêmes, d’en étudier les limites physico-chimiques et d’en tirer des leçons sur son adaptation. Dans la dépression du Danakil, nous avons notamment identifié des endroits où la vie est absente malgré la présence d’eau liquide à la surface, et prouvé ainsi que certains environnements contenant de l’eau liquide — condition classique d’habitabilité — peuvent néanmoins être stériles. » Une découverte cruciale pour l’astrobiologie.
 

L’interdisciplinarité : une clé pour de nouvelles découvertes

Intrinsèquement interdisciplinaire, la recherche de Puri López-García l’amène à échanger régulièrement avec des théoriciens, des chimistes, des physiciens, des astrophysiciens et des géologues sur des questions fondamentales comme l’origine de la vie et l’habitabilité. Elle est notamment très active dans la communauté d’exobiologie, où ses travaux sur la vie en milieux extrêmes nourrissent les réflexions sur la possibilité de la vie ailleurs dans l’Univers. Ses recherches sur les cyanobactéries, notamment Gloeomargarita lithophora, apportent un éclairage unique sur l’origine de la photosynthèse chez les eucaryotes. « L'ancêtre du chloroplaste était proche parent des Gloeomargaritales, un groupe de cyanobactéries d’eau douce identifié récemment dans des tapis thermophiles et des microbialites. Cela suggère que la photosynthèse eucaryote a évolué sur les continents et non dans les océans comme on l’imagine souvent », précise la chercheuse.
 

Diversité microbienne et enjeux planétaires

En explorant l’immense et méconnue diversité microbienne, les travaux de Puri Lόpez Garcia et son équipe permettent non seulement de remonter le fil du temps mais aussi d’éclairer son rôle fondamental pour notre planète. « Les micro-organismes sont au cœur des grands cycles biochimiques de la planète : production d’oxygène, recyclage du carbone et de l’azote, production de méthane, etc. Ignorer leur rôle, c’est passer à côté de leviers déterminants dans la lutte contre le réchauffement climatique. » Puri López-García milite donc pour une reconnaissance de cette biodiversité invisible dans les politiques environnementales et pour son intégration dans les modèles de durabilité. Pour la chercheuse, « explorer la diversité microbienne, c’est aussi découvrir des solutions à nos grands défis planétaires ».


 

Puri Lopez Garcia